"Un asset manager n'a que deux options: le bêta bon marché ou la gestion active de qualité"

Christophe Caspar
CEO Edmond de Rothschild Asset Management

 

M. Caspar, quelles sont selon vous les forces motrices du secteur de la gestion d’actifs en Suisse?

La Suisse accueille depuis longtemps des investisseurs sophistiqués internationaux. Pour répondre à leurs besoins, elle a dû développer un haut niveau d’expertise dans la gestion d’actifs et la conception de solutions d’investissement. Sa réglementation favorable contribue également à consolider sa réputation en tant que place privilégiée pour de nombreux gestionnaires d’actifs. En s’assurant de son rayonnement international, le secteur de la gestion d’actifs en Suisse sera en mesure de maintenir sa position sur un marché de plus en plus concurrentiel. Le fait que la Suisse soit une place financière de premier plan en banque privée crée une forte synergie avec les activités de gestion d’actifs. Je vis en Suisse depuis plusieurs années et je suis toujours impressionné par le dynamisme de ce marché et par sa sophistication. Talents, expertise, innovation et réglementation favorable sont autant d’atouts pour ce marché qui, aux côtés de la France et de l’Allemagne, est l’un de nos marchés clés.

Outre l’ESG et la durabilité : quelles sont les principales évolutions de la gestion d’actifs et de l’offre en Suisse?

L’ESG est en effet devenu essentiel ces dernières années et je voudrais mentionner deux autres axes de développement importants: les Private Markets et la gestion active. En Suisse, mais aussi plus généralement en Europe, nous observons un regain d’appétit pour les Private Markets. Ils permettent aux investisseurs de se positionner sur un horizon de long terme et de se protéger contre les réactions soudaines aux événements de marché. Notre force est d’avoir anticipé l’importance de ces marchés et d’avoir été en mesure d’offrir à nos clients des solutions d’investissement, avec de solides historiques de performances, qui couvrent le private equity, l’immobilier (dette et equity) et la dette d’infrastructures. Ces marchés font partie de l’ADN de la famille, qui se traduit dans l’esprit véritablement entrepreneurial du Groupe. Ce choix n’est pas le résultat de l’inflation, d’une crise financière ou d’une tendance récente. Il est né d’une volonté de concilier performance et durabilité à long terme depuis plus de 10 ans déjà. En outre, l’environnement complexe et la demande accrue en faveur de la durabilité renforcent la gestion active. Un asset manager ne dispose que de deux options réelles : le bêta bon marché ou la gestion active de qualité, avec une recherche interne et des convictions fortes. Nous avons choisi la deuxième option. Notre offre est spécialisée dans des thématiques d’investissement de conviction qui contribuent notamment à relever les défis environnementaux et sociaux actuels, tout en générant de la valeur à long terme pour nos clients.

Globalement, dans quel domaine le secteur de la gestion d’actifs suisse doit-il le plus s’améliorer pour être plus compétitif?

La Suisse a toujours été l’un des principaux centres européens de la gestion d’actifs. Son approche pragmatique face aux défis de ces deux dernières années a permis de limiter les restrictions, du moins par rapport à d’autres pays européens, et de renforcer son statut de centre d’affaires, en particulier pour les gérants d’actifs. Les private markets ont toujours constitué l’un des principaux atouts du secteur suisse de la gestion d’actifs. À l’avenir, une offre équilibrée entre stratégies liquides et illiquides permettra de répondre au mieux à l’évolution des conditions de marché. Le développement de l’ESG constitue une excellente opportunité pour la gestion d’actifs en Suisse.

Le terme innovation couvre un vaste domaine : comment définiriez-vous l’innovation pour les activités d’Edmond de Rothschild?

L’innovation est dans notre ADN. C’est la pierre angulaire et la force motrice de notre Groupe. Nous sommes constamment à la recherche de solutions innovantes pour répondre aux défis actuels et futurs des investisseurs. Dès 1985, nous avons lancé notre premier fonds actions thématique sur la santé. Nous avons également lancé plusieurs stratégies obligataires il y a plus de 20 ans, ce qui nous a permis de nous établir en tant que pionnier dans le segment du haut rendement et des obligations convertibles. Nous le prouvons à nouveau cette année. Très prochainement, nous proposerons une solution d’investissement innovante sur l’or physique et deux nouvelles stratégies actions européennes. Nous lançons également un fonds sur le Metaverse pour le marché espagnol. Sur les private markets, nous sommes également à la pointe de l’innovation. Nous développons en permanence des stratégies qui apportent des solutions concrètes dans un monde qui change : qu’il s’agisse de la technologie et de la sécurité alimentaires, des investissements dans des PME familiales en Afrique, du financement de logements abordables, d’infrastructures vertes en Europe, de dépollution des sols ou d’économie circulaire. Notre offre est renouvelée en permanence.

Percevez-vous des différences dans la culture de la gestion d’actifs à Genève par rapport à Zurich?

Les besoins des investisseurs figurent toujours parmi les priorités du secteur de la gestion d’actifs. Le profil des investisseurs à Zurich est généralement dominé par certains des plus grands acteurs du pays. Du côté des investisseurs wholesale, cela signifie que les stratégies proposées doivent être adaptées à l’intégration dans une offre retail. Par ailleurs, Genève se caractérise par une large base de family offices et de banques privées. Au final, tous les investisseurs, y compris les fonds de pension, recherchent les mêmes caractéristiques : des solutions innovantes, des convictions fortes et de la valeur sur le long terme.

Comment gérez-vous les difficultés en matière de recrutement en Suisse?

Nous cultivons une culture d’excellence, d’ouverture, d’innovation et d’indépendance. Ce sont des critères essentiels pour attirer les talents. La force de notre marque est également un atout indéniable. Notre équipe de vente suisse a récemment attiré plusieurs nouvelles recrues. Birgit Haas a été nommée Responsable de la Distribution Suisse il y a un an. Auparavant, elle travaillait chez GSAM. Elle dirige nos équipes commerciales en Suisse, en charge du développement auprès des institutionnels, de la distribution et des multi-family offices. Plus récemment, Dominik Horngacher (Zurich) et Laura Bourcier (Genève) ont rejoint cette équipe. Leur expérience et leur connaissance approfondie des stratégies d’investissement sont des atouts pour renforcer notre relation client.

Vous êtes CEO Asset Management Edmond de Rothschild : quelle est votre priorité dans vos activités quotidiennes?

En tant que CEO, mon rôle est de créer les conditions du succès pour nos équipes et de faire en sorte que toutes travaillent ensemble à atteindre cet objectif commun. Chaque jour, je rencontre des talents issus de différents métiers et des clients de différents pays pour comprendre leurs besoins et partager la vision du Groupe. Il est important pour moi de rencontrer régulièrement nos collaborateurs, de comprendre leur quotidien et de partager ma stratégie avec eux. Je suis également membre du Comité exécutif du Groupe, ce qui me donne l’occasion de partager ma vision de l’Asset Management avec ses membres.

Où trouvez-vous un moment de détente après une période de travail acharné?

En hiver, j’aime me rendre dans la petite station de ski de La Tzoumaz, dans le Valais. En été, j’aime naviguer sur différents océans et mers du globe.