"La Suisse se trouve face à la prochaine étape de l'évolution de la finance durable"

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Dr. Martin K. Weber
Président indépendant du conseil d'administration de Robeco Switzerland Ltd.

Martin Weber est le président indépendant du conseil d'administration de Robeco Switzerland Ltd. depuis mars 2021. Cet avocat international est partenaire du cabinet d'avocats Roesle Frick & Partner depuis 2015 et était auparavant chez Homburger.

 

Monsieur Weber, Robeco coopère désormais avec l'université de Zurich et l'EPF dans le domaine de l'investissement durable : qu'est-ce qui vous a poussé à mettre en place cette coopération?

Robeco a toujours suivi une approche basée sur la recherche. Afin d'obtenir en permanence une sélection et une interprétation de qualité des données dans le domaine de la durabilité, je pense qu'il est important d'avoir des échanges professionnels avec des établissements d'enseignement de premier plan. La mise en place de réseaux académiques correspondants constitue donc une priorité de notre stratégie. L'EPFZ et l'Université de Zurich couvrent ensemble les disciplines essentielles dans le domaine de la durabilité et sont leaders mondiaux dans ce domaine. Il était donc clair pour nous que nous devions réunir les deux institutions autour d'une même table afin que des équipes interinstitutionnelles puissent effectuer des recherches et échanger les données disponibles. Nous avons donc établi un échange professionnel approfondi.

La coopération envoie également un signal fort à la concurrence internationale. Pourquoi ce signe est-il nécessaire?

Ce signe est nécessaire parce que la Suisse doit s'affirmer comme centre de compétences international pour la gestion d'actifs durable. Pour ce faire, elle doit également jouer un rôle de leader en matière de recherche et de formation dans le domaine de la finance durable.

Où en est la Suisse dans la réalisation de son ambition de leadership en matière de finance durable?

La Suisse se trouve face à la prochaine étape de l'évolution de la finance durable. Tant la science que l'économie orientent leurs activités selon des critères de durabilité - d'une part en raison de la forte demande de produits durables et d'autre part grâce à un ordre juridique libéral qui crée des incitations ciblées sans pour autant étouffer la diversité des idées. Il s'agit maintenant de mieux relier les compétences, les données et les connaissances existantes et de les développer ensemble afin que la Suisse puisse assumer son rôle de leader dans ce domaine.

L'augmentation du volume du marché dans le domaine de la gestion d'actifs durable s'accompagne d'une concurrence accrue : quels sont les critères de différenciation, le présupposé selon lequel un rendement financier devrait continuer à être l'alpha et l'oméga d'une offre reste-t-il valable?


La concurrence croissante augmente la qualité des produits financiers durables. Un critère de différenciation réside dans le fait que le gestionnaire d'actifs peut mesurer l'impact de ses investissements sur la durabilité de manière transparente et selon les principes scientifiques les plus modernes, et le présenter de manière compréhensible à ses clients. Il convient à cet égard de distinguer clairement les indicateurs d'impact (quel est l'impact des produits et services d'une entreprise ?) des indicateurs ESG (comment une entreprise opère-t-elle ?). Le rendement financier doit rester l'un des principaux objectifs d'une stratégie d'investissement. Et les entreprises présentant des indicateurs ESG solides obtiennent souvent de meilleurs résultats financiers. Cette tendance va à mon avis encore se renforcer. Par conséquent, l'un n'exclut pas l'autre.

Robeco est un asset manager néerlandais qui a concentré ses compétences en matière de durabilité à Zurich. Pourquoi cela?

Il est vrai qu'avec ses départements spécialisés "Sustainable Investing Research" et "Sustainable Investing Data Engineering", Robeco a concentré une partie importante de ses compétences en matière de durabilité à Zurich et que les stratégies d'investissement thématiques sont en outre gérées depuis Zurich. Cela s'explique par le fait que Robeco avait acquis en 2006 le pionnier suisse "SAM Sustainable Asset Management". De plus, il y a ici des collaborateurs très qualifiés (p. ex. scientifiques de l'environnement et des matériaux, data scientists, gestionnaires de portefeuille spécialisés et analystes), un régulateur qui réfléchit et des clients institutionnels progressistes qui apprécient cette compétence en matière de durabilité sur place. Robeco gère en outre un "SI Center of Expertise" international à Rotterdam, qui travaille en étroite collaboration avec le centre de compétences zurichois.

Cela pourrait-il également être un signe adressé aux asset managers internationaux qui apprécient en premier lieu le marché de distribution suisse?


Absolument. En particulier en ce qui concerne les produits financiers durables, la distribution aux clients institutionnels locaux fonctionne de toute façon mieux si les compétences correspondantes sont disponibles sur place et si les aspects de durabilité des solutions de placement concernées peuvent être discutés de manière approfondie. En tant que site, la Suisse offre déjà de bonnes conditions pour développer des compétences en matière de durabilité ou, dans le cas de Robeco, pour les renforcer. La qualité du site reste toutefois un thème permanent.

Placeriez-vous le domaine de la finance durable sur des bases juridiques?


Le domaine de la finance durable évolue en principe dans le même cadre juridique que le reste du marché financier. Par exemple, l'interdiction d'induire en erreur selon l'article 12 de la loi sur les placements collectifs est également pertinente en ce qui concerne la prévention et la lutte contre le greenwashing. Des mesures supplémentaires de régulation du marché financier sont éventuellement utiles lorsque des risques financiers liés au climat sont abordés ou lorsque la transparence des produits doit être améliorée dans le sens de la protection des investisseurs ; par exemple en exigeant des gestionnaires d'actifs qu'ils publient de manière transparente et compréhensible les méthodes avec lesquelles ils mesurent l'effet de durabilité promis de leurs produits.

Comment êtes-vous arrivé à la gestion d'actifs en tant qu'avocat?

En tant qu'avocat, je me concentre sur les domaines du private equity/venture capital, de la réglementation des marchés financiers et des enquêtes qui y sont liées (par exemple sur les activités illicites ou le greenwashing). En conséquence, j'accompagne régulièrement des institutions financières, des fonds de placement et des gestionnaires de fortune dans le cadre de questions de réglementation ou je les représente dans des procédures. Je connaissais donc la gestion d'actifs sous l'angle de la réglementation. D'autre part, j'ai toujours été intéressé par les modèles commerciaux et les esprits de ces entreprises, raison pour laquelle je suis engagé dans certaines entreprises de fintech, de legaltech et de greentech en tant que membre du conseil d'administration ou actionnaire actif. Ces deux expériences m'ont finalement conduit chez Robeco où, en tant que président du conseil d'administration de Robeco Switzerland Ltd, je peux désormais participer à l'élaboration de la stratégie et de la gouvernance locales d'un fournisseur de solutions d'investissement durable mondialement reconnu, ce qui me réjouit.