Le troisième cotisant

Le chemin à suivre

Pour pouvoir évaluer la solidité et l'efficacité de nos caisses de pension, il vaut la peine de regarder au-delà de nos frontières et de comparer avec des caisses de pension à l'étranger.

En examinant de près les prescriptions de placement en vigueur dans des pays comparables, on constate que la prudent investor rule remplace de plus en plus les limites de placement imposées par la loi. Ce principe issu de la législation anglo-saxonne règle le comportement de l’institution responsable et de ses organes tout au long du processus de placement. Il est d’ores et déjà considéré comme un modèle à suivre par les gérants de fortune, les banques et les directions de fonds, mais aussi par de nombreuses caisses de pension professionnelles en Suisse et dans l’Union européenne.

Nous expliquerons brièvement la Prudent Investor Rule, puis nous montrerons comment son utilisation pourrait renforcer le 3e cotisant.

Prudent Investor Rule

La Prudent Investor Rule, ou "règle de l'investisseur prudent", est un guide juridique pour les investisseurs.

La prudent investor rule repose sur trois éléments principaux: une gestion adéquate des risques, une stratégie de placement transparente et des options de placement accessibles indépendamment des catégories. Elle est déjà largement intégrée dans l’OPP2, mais ne produit pas les effets escomptés.

Pourtant, l’application systématique de la prudent investor rule crée un cadre réglementaire moderne et fait en sorte que les décisions de placement des caisses de pension reposent dorénavant sur des principes économiques. Elle donne de la souplesse aux caisses de pension pour investir dans l’ensemble de l’univers de placement et accroître ainsi les rendements.

Accroître le rôle de la prudent investor rule dans l’OPP2 consiste, d’une part, à supprimer les restrictions de placement existantes et, d’autre part, à renforcer divers instruments de suivi qui, pour la plupart, existent déjà. Ces instruments sont les suivants:

  • obligation de diligence fiduciaire
  • diversification des placements
  • stratégie de placement axée sur le rapport rendement / risque
  • évaluation des risques au regard de la fortune globale
  • surveillance de l’activité de placement et des résultats obtenus
  • opérations effectuées exclusivement dans l’intérêt des bailleurs de fonds, c’est-à-dire des bénéficiaires
  • optimisation des frais de gestion de fortune
  • au besoin, délégation de certaines tâches de gestion de fortune à des spécialistes


Toutefois, pour répondre aux exigences de la prudent investor rule dans le cas de placements alternatifs plus complexes, des mesures complémentaires s’imposent. Ainsi, les décisions de placement du gérant de fortune responsable doivent gagner en transparence, et ce à plusieurs égards:

  • transparence quant aux investissements et aux rendements effectivement réalisés
  • transparence quant aux méthodes et hypothèses d’évaluation
  • transparence quant au processus d’investissement
  • transparence quant aux investisseurs
  • transparence préalable quant aux coûts

En outre, la gestion des risques au sein des caisses de pension doit être davantage professionnalisée, principalement dans les domaines suivants:

  • définition de la stratégie de placement compte tenu de la capacité de risque
  • mise en œuvre de la stratégie de placement dans le cadre du budget de risque
  • surveillance des activités de placement et du respect du budget de risque

Il en résulte au total une trilogie de mesures visant à créer des conditions propices à une gestion efficace et ciblée de la fortune des caisses de pension, en mettant l’accent sur le rapport rendement / risque. Cela renforce le rôle du «troisième cotisant» et permet une contribution économique durable.

Les petites institutions de prévoyance, en particulier, auront du mal à atteindre le degré de transparence préconisé et à assurer par ellesmêmes une gestion adéquate des risques – c’est d’ailleurs pourquoi certaines d’entre elles, par le passé, ont exclu des placements attrayants, mais complexes. Afin de remédier à cette situation et en vertu de la prudent investor rule, à l’avenir, elles pourront et devront faire davantage appel à l’aide d’experts spécialisés dans la gestion des placements et des risques. Le savoir-faire requis à cet effet ne manque pas sur la place financière suisse.

Le «TROISIÈME COTISANT» peut-être mis à contribution

Par comparaison avec la performance de placement des caisses de pension néerlandaises et canadiennes, il apparaît que le «troisième cotisant» pourrait générer en Suisse plus de 40 % du rendement annuel des caisses de pension. Pour que tel soit le cas, ces dernières doivent pouvoir utiliser toute la gamme des solutions de placement. Pour que tout l’univers de placement puisse être exploré dans l’intérêt des assuré-e-s, des changements de comportement s’imposent à de multiples niveaux. Concrètement, il y a lieu d’agir selon trois axes:

Premièrement, la Prudent Investor Rule doit être appliqué dans toute la Suisse. En introduisant cet instrument de suivi reconnu dans le monde entier, le législateur réglemente désormais l’institution responsable et ses organes, plutôt que la fortune globale et les différentes catégories de placement. L’objectif est de créer les conditions requises pour dégager des rende-ments qui soutiennent la comparaison internationale et stabiliser durablement les prestations de vieillesse, sans coupes au détriment des assuré-e-s.

Deuxièmement, il faut professionaliser la gestion des risques et des placements. Afin de générer la valeur ajoutée souhaitée pour les assuré-e-s, les mesures législatives ne suffi-sent pas, l’autorégulation doit jouer son rôle. Les petites caisses de pension en particulier, qui sont encore souvent gérées selon le système de milice, doivent professionnaliser leur gestion des risques. Quant aux gérants de fortune, ils doivent rendre leurs solutions de placement plus trans-parentes.

Troisièmement, il est grand temps d’adapter l’OPP2 au nouveau contexte. Supprimer les limites maximales per-mettrait d’augmenter la marge de manœuvre des caisses de pension tout en réduisant sensiblement leur charge de travail administratif.

Pour stabiliser le deuxième pilier de notre prévoyance vieillesse, ces réformes sont indispensables. Conjuguées à d’autres mesures, elles permettront de préserver, voire d’augmenter les retraites des générations à venir.