«Building Bridges est un projet qui me tient à cœur.»

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Patrick Odier
Senior Managing Partner chez Lombard Odier, Genève et Président Building Bridges

Patrick Odier est associé-gérant du groupe Lombard Odier depuis 1986 et Senior Managing Partner depuis 2008. L’été dernier, il a été nommé Président de Swiss Sustainable Finance. Il préside également Building Bridges, une initiative visant à promouvoir la finance durable en Suisse et dans le monde. Fondé en 1796, le groupe Lombard Odier est depuis sept générations un partenaire indépendant au service de ses clients.

 

Patrick Odier, sur quelles valeurs reposent vos actes au quotidien, vos décisions, vos projets?
Notre philosophie globale, «Rethink Everything», m’accompagne jour après jour. La promesse que nous faisons à nos clients est de leur fournir des solutions durables et sur mesure en matière de gestion de fortune. L’investissement durable s’inscrit au centre de notre philosophie et, en définitive, il reflète notre engagement fiduciaire de conseiller les clients dans un monde en mutation.

Quel rôle jouent les réseaux sociaux chez vous?

Les réseaux sociaux sont désormais un élément important de notre communication. En octobre, nous avons franchi le cap des 100 000 followers sur LinkedIn et nous ne nous arrêterons pas là, car l’intérêt pour les sujets d’actualité concernant les placements durables va croissant. Nous avons toujours été précurseurs dans le domaine du numérique, de sorte que nous sommes aujourd’hui en mesure de mettre notre plateforme technologique à la disposition d’autres banques. Nous entendons bien conserver cette avance.

Selon vous, quelles sont les questions dont les responsables politiques et les autorités devraient s’emparer sans tarder?

La crise climatique est le défi majeur auquel nous sommes tous confrontés, il faut donc tout faire pour ralentir le réchauffement de la planète. Nous avons besoin de pragmatisme en matière normative et méthodologique, ce qui sera source de transparence pour l’ensemble des parties prenantes. Par exemple, toutes les branches doivent s’attacher à publier des données vérifiables sur leurs émissions. En outre, la Suisse devrait investir davantage dans les énergies renouvelables. Et à l’échelon international, l’enjeu est de fixer un prix du CO2 suffisamment élevé.

Quelles sont vos lignes directrices en matière de conduite?

En tant que dirigeant, j’ai avant tout des responsabilités et des obligations à assumer. Les supérieurs hiérarchiques doivent avoir un comportement exemplaire, car ils sont – comme d’ailleurs chaque collaboratrice et chaque collaborateur – les ambassadeurs de leur entreprise.

Si vous aviez le choix, dans quel pays aimeriez-vous vivre et pourquoi?

La Suisse est mon pays et celui de ma famille, mais nous sommes aussi très liés à la Grèce dont mon épouse est originaire. La Grèce a vu naître de nombreux penseurs et philosophes, qui nous parlent encore aujourd’hui.

De quoi êtes-vous reconnaissant?

Au-delà des aspects personnels, je suis reconnaissant de la pérennité de Lombard Odier, qui existe depuis 225 ans. Gérer scrupuleusement cette entreprise et la maintenir en excellente santé, c’est ma fierté.

A quoi ne renonceriez-vous pour rien au monde?

A toutes les rencontres que j’ai faites jusqu’à présent. Ce ne sont pas les aspects matériels qui font ou feront la richesse de notre société, mais les personnalités avec toute la diversité de leurs histoires individuelles, de leurs expériences et de leurs parcours de vie.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui débute dans l'Asset Management?

De faire preuve de curiosité, d’ouverture, de courage, et de se constituer un solide réseau. Car les problèmes et les difficultés de notre époque, c’est ensemble que nous les résoudrons. Les places performantes, dotées d’expertise et de leadership, auront un rôle important à jouer.

Depuis cet été, vous présidez l’association Swiss Sustainable Finance. Où en est la place financière suisse en matière de développement durable?

C’est un sujet qui a pris une importance énorme et ce, notons-le, sans prescriptions légales. Les placements durables ont connu un développement fulgurant: ils représentent aujourd’hui non plus quelques petits points de pourcentage, mais 30 à 50 % du marché selon les segments, pour un volume total qui dépasse les 1 500 milliards de francs. Les innovations ont été nombreuses: lancement des premiers fonds commerciaux de microfinance il y a plus de vingt ans, placements immobiliers labellisés durables, systèmes de notation basés sur la reconnaissance automatique de texte, or durable, pour n’en citer que quelques-unes. La Suisse a développé un grand nombre de solutions nouvelles et, grâce à sa capacité d’innovation, elle est aujourd’hui idéalement positionnée pour renforcer le rôle de la finance en vue d’un avenir durable. A cet égard, la question climatique n’est de loin pas la seule à mériter notre attention.

Vous présidez aussi Building Bridges. De quoi s’agit-il?

Nous avons lancé l’initiative Building Bridges en mars 2019. Il s’agit de bien davantage que d’une simple conférence. Il s’agit d’un mouvement, d’une communauté d’intérêts, qui réunit autour d’une même table les acteurs financiers suisses, les autorités, les organisations des Nations Unies et les ONG qui ont un rôle important à jouer, ainsi que des représentants des milieux universitaires et des entreprises. C’est ensemble que nous relèverons les défis de demain en matière de finance durable. Bien entendu, la proximité avec les organisations internationales, dont beaucoup ont leur siège à Genève, est un avantage. Elle nous permet d’apprendre les uns des autres et de développer conjointement des solutions qui contribuent à la réalisation des objectifs mondiaux de développement durable.

Quelles sont les impulsions concrètes résultant de cette initiative?

Dès le mois de novembre 2019, des dizaines d’événements ont eu lieu à Genève et le sommet, inauguré par le Président de la Confédération lui-même, a rassemblé des milliers de personnes au Bâtiment des Forces Motrices. Les représentants des 30 places financières FC4S sont impressionnés par le biotope local, car il y a eu une dynamique au niveau national. Le monde financier suisse s’exprime à présent d’une seule voix, et ce dans une période où les changements réglementaires nécessaires pour accélérer la transition sont considérables et rendent urgente l’élaboration de règles communes. Le Conseil fédéral fait sien cet impératif: la place financière suisse doit devenir une référence mondiale en matière de services financiers durables.

Le prochain sommet se tiendra à Genève le 29 novembre, suivi de la Building Bridges Week. Qu’attendez-vous de cette manifestation?

Building Bridges est un projet qui me tient à cœur. Je me réjouis beaucoup d’échanger et de discuter avec les participantes et les participants. Outre le sommet lui-même, qui fixera les priorités, de nombreuses organisations vont créer près de 80 événements – tous axés sur la finance durable comme moyen d’atteindre les objectifs de développement durable. Cela montre le potentiel d’innovation considérable que recèle notre secteur financier. Exploiter ce potentiel et contribuer à ce que la place financière soit prête à relever les défis à venir, c’est une tâche absolument passionnante. Mais il ne s’agit pas d’en rester à un dialogue ponctuel. L’initiative vise à développer entre les différents acteurs des échanges durables et fructueux, qui mènent à des solutions concrètes. Ce que Paris est devenue en matière climatique, la Suisse peut le devenir en matière d’investissement durable.